Christophe Guilluy Les Fran ais modestes ne peuvent souvent plus vivre l o ils sont n s Christophe Guilluy

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Christophe Guilluy ' Les Franç ais modestes ne peuvent souvent plus vivre là où ils sont né s'

14/10/2022 10:24:00

Christophe Guilluy ' Les Franç ais modestes ne peuvent souvent plus vivre là où ils sont né s'

Christophe Guilluy

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L Express

Christophe Guilluy : ' Les Français modestes ne peuvent souvent plus vivre là où ils sont nés ' Le célèbre géographe continue de fouiller nos fractures avec son regard extralucide. Il se livre à L Express pour la sortie de son dernier ouvrage Les Dépossédés. tout comme elles étaient au coeur du"mode de vie à la française" ou même"à l'européenne". Ce modèle-là a basculé - sans qu'on ne mesure l'ampleur de ce tournant - dans les années 1970 et 1980, avec la mondialisation. On connaît le film : les délocalisations des usines dans les pays à bas coûts font émerger une classe moyenne en Chine ou en Inde, mais dans les économies occidentales, la désindustrialisation la met peu à peu sur la touche. L'emploi se raréfie et se concentre dans des métropoles gentrifiées. Petit à petit, les"gens ordinaires" disparaissent des lieux où se crée l'emploi et où pulse la culture : symboliquement, ils ont été mis au bord du monde. Dans la mondialisation, mais au bord du monde C'est pourquoi la contestation d'aujourd'hui ne ressemble en rien à celle du XIXe ou du XXe siècle. Les gens ne descendent pas dans la rue pour revendiquer de nouveaux droits mais pour qu'on ne leur ôte pas ce qu'ils ont. Ou pour récupérer ce qu'ils avaient, et dont ils ont été dépossédés : un statut social, politique et culturel central et référent.  Lire la suite:
L'Express » Carte : localisez les stations services réquisitionnées pour les services prioritaires dans les Bouches-du-Rhône Orient-Express : découvrez les images impressionnantes du nouveau train légendaire Grand Paris Express : la ligne 14 sera à l’heure pour les Jeux olympiques Les députés pointent les zones à faibles émissions

Réforme de la Police des rassemblements dans toute la France comme à Nice Toulon et Marseille

Ce lundi, des rassemblements étaient organisés pour exprimer les inquiétudes persistantes liées à cette réforme, des centaines de policiers mais pas seulement, à leurs côtés, des magistrats qui partagent leurs sentiments.... Lire la suite >> .lexpress Si on comprend bien, le modèle c'est le Danemark. On en est loin. Les Danois veulent mettre un terme à l'immigration de masse qui ruine leur système de protection sociale. Ils ont des statistiques qui leur montrent le désastre. En France, on n'a pas le droit de savoir. D'où l'immigration, ce n'est pas nouveau. Carte : localisez les stations services réquisitionnées pour les services prioritaires dans les Bouches-du-RhôneLa préfecture a annoncé mercredi soir la réquisition de 7 stations-service dans le département des Bouches-du-Rhône. Les pompes seront réservées le matin à certains services jugés prioritaires. Orient-Express : découvrez les images impressionnantes du nouveau train légendaireLe train légendaire Orient-Express, propriété du groupe Accor, a présenté les premières images de son futur train, attendu sur les rails en 2025. C’est sans aucun doute le train le plus célèbre du monde. Popularisé par un roman d’Agatha Christie, l’Orient-Express s’apprête à renaître. Sous la houlette du groupe Accor – aujourd’hui unique propriétaire -, le train de luxe «troisième génération» prépare son grand retour sur les rails à partir de 2025. Ça doit être cool là-dedans 🤩. La classe 😎 Grand Paris Express : la ligne 14 sera à l’heure pour les Jeux olympiquesTout un symbole ! Elle sera la seule ligne du Supermétro à être ouverte lors de l’événement sportif de 2024. Le ministre des Transports, qui Les députés pointent les zones à faibles émissionsPour une meilleure acceptabilité et plus de justice sociale, une mission d’information parlementaire appelle à l’accompagnement des plus modestes dans la mise en œuvre des zones à faibles émissions. BouchesDuRhône Frieze à Londres : surenchères sur les artistes les plus cotésBeaucoup de demandes, beaucoup de ventes ! La foire Frieze 2022 de Londres semble faire fi du contexte international et local (post Brexit) très tendu. Les ventes frénétiques se sont succédé dès les premières heures de la foire dont la programmation reste ambitieuse. Le passe Navigo et les tickets numériques enfin disponibles sur (presque) tous les smartphones AndroidGrâce à la technologie HCE, plus besoin de support « physique » pour voyager. La plupart des titres de transport seront disponibles au forma Je m'abonne Christophe Guilluy : Pour le comprendre, il faut d'abord rappeler que l'Occident, pendant les Trente Glorieuses, a réussi quelque chose d'unique au monde.Médecins, personnel hospitalier, services funéraires .Le train l\u00e9gendaire Orient-Express, propri\u00e9t\u00e9 du groupe Accor, a pr\u00e9sent\u00e9 les premi\u00e8res images de son futur train, attendu sur les rails en 2025.planche sur l’adaptation des déplacements dans le Grand Paris, l’a confirmé ce mercredi. A savoir : un modèle de société où il existait, certes, des inégalités de revenus, mais où toutes les catégories sociales étaient intégrées économiquement et, donc, politiquement et culturellement. Les classes moyennes et populaires étaient au centre de l' American way of life, tout comme elles étaient au coeur du"mode de vie à la française" ou même"à l'européenne".. Ce modèle-là a basculé - sans qu'on ne mesure l'ampleur de ce tournant - dans les années 1970 et 1980, avec la mondialisation. Sous la houlette du groupe Accor \u2013 aujourd\u2019hui unique propri\u00e9taire -, le train de luxe \u00abtroisi\u00e8me g\u00e9n\u00e9ration\u00bb pr\u00e9pare son grand retour sur les rails \u00e0 partir de 2025. On connaît le film : les délocalisations des usines dans les pays à bas coûts font émerger une classe moyenne en Chine ou en Inde, mais dans les économies occidentales, la désindustrialisation la met peu à peu sur la touche. Les stations concernées sont des enseignes de Total Energies et Carrefour. L'emploi se raréfie et se concentre dans des métropoles gentrifiées. Petit à petit, les"gens ordinaires" disparaissent des lieux où se crée l'emploi et où pulse la culture : symboliquement, ils ont été mis au bord du monde. Ce sont les même stations qui avaient déjà , les pompiers et les forces de l'ordre. L\u2019architecte Maxime d\u2019Angeac a \u00e9t\u00e9 charg\u00e9 de repenser ce moyen de transport mythique qui f\u00eatera l\u2019ann\u00e9e prochaine ses 140 ans. Dans la mondialisation, mais au bord du monde C'est pourquoi la contestation d'aujourd'hui ne ressemble en rien à celle du XIXe ou du XXe siècle. Les gens ne descendent pas dans la rue pour revendiquer de nouveaux droits mais pour qu'on ne leur ôte pas ce qu'ils ont. Ces stations seront réquisitionnées seulement le matin, entre 6h et midi. Ou pour récupérer ce qu'ils avaient, et dont ils ont été dépossédés : un statut social, politique et culturel central et référent. De chaque c\u00f4t\u00e9 de la table on d\u00e9couvre deux boutons d\u2019appel\u00a0: le premier est r\u00e9serv\u00e9 au service du champagne et le second au personnel.  Cette dépossession s'illustre de façon très concrète. Les forces de l'ordre, les transports de produits sanguins et les aides à domiciles sont également concernés par cette mesure qui s'appliquera jusqu'à samedi midi. Vous ouvrez, d'ailleurs, votre livre sur"l'accès à la mer".." De nombreuses stations-services sont forcées de fermer, faute de carburant disponible.\n\n\n\n\u00a9 Maxime d'Angeac & Martin Darzacq pour Orient Express, Accor\nAu total, le Nostalgie-Istanbul comportera douze voitures-lits dont une suite pr\u00e9sidentielle, un restaurant et plusieurs bars et salons..   Je suis géographe : je pars des lieux. La façon dont la classe moyenne a été peu à peu chassée des métropoles"ouvertes" et"inclusives" par le prix du mètre carré est bien connue. Mais pour pouvoir vivre cette exp\u00e9rience exceptionnelle, les voyageurs devront sans doute d\u00e9bourser plusieurs dizaines de milliers d\u2019euros. Mais le processus travaille encore. La multiplication des résidences secondaires avait déjà, dans un premier temps, profondément modifié l'accession aux habitations du littoral corse ou de la Côte d'Azur. Désormais, c'est la mode du télétravail (partiel ou total) en province qui conduit de nombreux CSP+ à acheter dans des endroits agréables - en bord de mer, tant qu'à faire. On pourra d\u00e9couvrir une partie des voitures \u00e0 l'occasion des Jeux olympiques en 2024. Sur la côte atlantique, le phénomène est massif. A chaque fois, le récit politique, médiatique ou même universitaire pointe le fait que cette arrivée fait"ruisseler" ses richesses - piétonnisation des rues, végétalisation, création d'emplois de services. .. Cette"brume cool" empêche de voir que l'augmentation du prix des loyers et du mètre carré qui en découle interdit aux catégories modestes, notamment les jeunes actifs, de pouvoir continuer à vivre là où elles sont nées. Ce"ôte-toi de là que je m'y mette" à bas bruit est assez violent en réalité. Je connais des jeunes gens en Charente-Maritime qui ne peuvent plus vivre là où ils sont nés et sont contraints d'aller vivre dans les zones rurales du côté de Niort, alors que leur passion, c'est de pêcher. Ajoutez à cela que cette pression immobilière sur le littoral restreint chaque fois plus l'espace pour les logements de vacances abordables et les campings pas chers, et vous comprendrez que"l'accès à la mer", cet apport symbolique du Front populaire, recule. C'est une dépossession d'horizon.  Qu'est-ce que"le mythe des 1% les plus riches" que vous dénoncez, et quel rôle joue-t-il ?   Tendez l'oreille : la grande tendance depuis des années dans la bourgeoisie dite progressiste est de s'insurger contre l'égoïsme des 1% (voire des 0,1%) les plus riches. C'est un enfonçage de portes ouvertes : tout le monde est contre le fait que 40% des richesses mondiales soient détenues par 1% de la population ! Mais cette dénonciation permet à ceux qui s'en font les hérauts de s'exclure des rangs des privilégiés. Pourtant, l'iniquité du système ne bénéficie pas qu'aux milliardaires, mais à 20-25% de la population en Occident. S'il n'avantageait que les 1% les plus riches, comment ferait-il pour se maintenir ? C'est bien qu'il se trouve une"masse critique" pour le faire gagner dans les urnes, dont une part de ses détracteurs de plateaux télé. Toute l'utilité du discours"anti 1%" est de masquer cette réalité. C'est pourquoi depuis quinze ou vingt ans, le"reductio ad milliardaires" remplace la question sociale.  Il la remplace quand on regarde vers le haut de l'échelle. Mais quand on regarde vers le bas, dites-vous, c'est le misérabilisme de la"fin de mois" qui a fait une OPA sur la question sociale. ..   Oui, ce traitement exclusivement compassionnel et pécuniaire permet de ne pas prendre en compte l'ensemble du diagnostic des catégories populaires, qui ne concerne pas seulement leur revenu mais plus encore leur position culturelle, politique et sociale dans la société. Cela permet de penser qu'on va résoudre la question en signant quelques chèques, sans avoir besoin de remettre en cause les termes du modèle ni ses effets (désindustrialisation, métropolisation etc.) C'était très visible au moment du grand débat post-gilets jaunes : les maires ruraux, les mères célibataires, les petits patrons. ..chacun venait exposer un diagnostic et des problèmes complexes qui se soldaient par un :"OK, combien tu veux ?" Cette transformation de la question sociale en une logique de"guichet" s'accompagne, pour se justifier, d'un misérabilisme emphatique. Comme si appartenir aux catégories populaires, c'était être une victime. J'appelle ça le règne de la pleurniche. Cette vision des choses ne conçoit pas que naître et vivre dans un milieu populaire peut être une chance. Oui : partager les valeurs que les gens y partagent peut être une chance. On peut y faire sa vie et s'y épanouir. Mais à une condition : être respecté culturellement et être intégré économiquement. C'était le cas avant. Dans les années 1960 et 1970, on ne se posait pas la question de la"mixité sociale" dans les communes ouvrières de Seine-Saint-Denis, ou de savoir s'il fallait que le fils d'ouvrier vive à côté d'un fils d'avocat. On s'en fichait ; l'école publique était bonne, les gens avaient du travail et étaient intégrés.   Vous consacrez un chapitre aux transclasses et au rôle qu'ils jouent dans le miroir que nous nous tendons ...   Oui, les transclasses sont de moins en moins nombreux, mais ils ont de plus en plus la cote ! Preuve que nous sommes devenus des Américains comme les autres : nous n'avons de cesse de nous rassurer sur les vertus de notre système en mettant en avant les figures de l'ascension sociale et les self-made-men. Mais attention : pour avoir le droit au tapis rouge, il faut épouser les valeurs du"salon" - ainsi que Jack London nommait les élites intellectuelles. Tout en réaffirmant son attachement au"bas", il est bon, tout de même, de dénoncer"l'homophobie","l'intolérance" ou le"racisme" de son milieu d'origine. Toute chose qu'on peut trouver, par exemple, dans la première"autofiction" d'Edouard Louis.  Jack London, justement, disait être un"transclasse repenti". En êtes-vous un ?   Non, dans le sens où je n'ai jamais intégré le salon. Mais, en effet, j'ai pu avoir accès à un milieu intellectuel qui m'a déçu. Je fantasmais un esprit d'ouverture ; j'y ai entre-aperçu beaucoup de fermeture, et de mépris de classe.   En France, deux lectures de la société s'opposent ou se complètent. Il y a celle de "l'archipélisation" , développée notamment par Jérôme Fourquet, qui décrit une nation morcelée entre diverses tribus et aspirations, où l'on produit de moins en moins de commun. Et celle des deux blocs, qui est plus votre thèse à vous. S'il existe un bloc majoritaire des"gens ordinaires", pourquoi ne gagne-t-il pas dans les urnes ?   Tout dépend de l'échelle"grossissante" avec laquelle on regarde la société. Au microscope, on va voir une somme d'individus complexes, avec leurs particularités, leurs ambivalences, leurs contradictions. En élargissant un peu la focale, on va tomber sur des segments, des panels, des tribus. Qui existent. Cette lecture ne s'oppose pas à la mienne. Simplement, je demande : que dit-elle politiquement, culturellement ? Qu'il suffit de s'adresser à des segments : clientèle électorale, clientèle économique, etc. Cette stratégie de la niche caractérise notre offre politique aujourd'hui. Elle est assez confortable psychologiquement : elle infirme qu'il y aurait un bloc de"gagnants" et un bloc de"perdants". Mais moi, je pense que quand on dézoome encore, on arrive à des ensembles qui ont des points et des intérêts communs. Une expérience commune. Du côté des"gens ordinaires", notamment : la dépossession que je tente de décrire dans mon livre. On peut prendre aussi quelques indicateurs. Par exemple, le fait que 70 % des gens disposent d'un niveau de vie inférieur à 2 000 euros permet de délimiter les demandes ! Je sais que certains disent pour me disqualifier :"mais lui, il simplifie". Je crois profondément que"penser", c'est conceptualiser et conceptualiser, c'est forcément généraliser. On trouvera toujours un degré de détail supplémentaire pour expliquer que"c'est plus complexe". Oui. Mais est-ce politiquement plus pertinent ?   "Ce qui reste aux actifs aux dépossédés, c'est le hard discount de l'offre politique" Si je vais au bout de ma question précédente : s'il y a un"bloc élitaire" contre un"bloc populaire" majoritaire, comment se fait-il tout simplement que Marine Le Pen ne gagne pas les élections ?   A mon sens, il y a aussi une question d'offre politique : Marine Le Pen n'est pas la meilleure offre politique imaginable... C'est une question de structuration du"marché électoral". Je m'explique : on parle beaucoup de la gentrification des villes, mais il y a aussi, dans l'arc des partis traditionnels une gentrification de l'offre. Du PS à LR en passant par Renaissance, les candidats s'adressent de plus en plus aux Français les mieux intégrés : grosso modo, les catégories supérieures, et les retraités - qui vont être de plus en plus nombreux, et qui ont le bon goût de voter. Ce qui reste aux actifs, aux catégories modestes, aux dépossédés, justement, c'est le hard discount de l'offre politique. Alors périodiquement, ceux-là se saisissent de ce qu'il y a sur le marché - référendum de 2005, Brexit, Trump etc. - pour exprimer leur colère. Ils font"avec ce qu'il y a". Parfois, il n'y a pas grand-chose, ce qui limite le succès dans les urnes. Cela dit, vous remarquez que même avec ce hard discount de la politique, les scores du RN sont tout de même assez conséquents. Et, là encore, l'interprétation qui est faite de ce succès est très disqualifiante pour ses électeurs. C'est cette idée que"le peuple" serait animé de passions tristes, qui le conduiraient naturellement vers les obscurantistes et les dictateurs. Certains en iraient même jusqu'à remettre en cause les vertus de la démocratie."Hitler a été élu par le peuple", répètent-ils. Eh bien : non. D'abord, Hitler n'a pas été élu démocratiquement - il est arrivé second à la seule élection présidentielle démocratique où il s'est présenté, celle de 1932. Puis, soutenu par une partie de la bourgeoisie et du patronat, il a obtenu d'être nommé Chancelier, poste à partir duquel il a fait basculer le pays dans la dictature. C'est quand même étonnant : même à travers la réécriture historique, on diffame les classes laborieuses ("classes dangereuses"). Aujourd'hui encore, on ne se sort pas de cette fausse grille de lecture selon laquelle l'ouverture d'esprit serait en haut, et les passions tristes en bas.   Vous m'avez dit un jour :"Si je m'étais borné à parler de la question sociale, je serais beaucoup plus populaire dans le ''camp de la raison''. Mais je suis allé aussi sur la question de l'immigration. " Vous persistez dans Les Dépossédés : vous parlez d'immigration !   C'est-à-dire que si on travaille sur les catégories populaires et qu'on ne parle pas d'immigration, eh bien... il vaut mieux arrêter de travailler sur les catégories populaires. C'est vrai, je crois que pour avoir les faveurs du mainstream, mieux vaut se contenter de fouiller le social, et ne pas parler d'immigration. Mais il se trouve que je travaille sur les catégories modestes, notamment dans la France périphérique ou dans les"quartiers sensibles" comme on dit. Ces recherches m'ont conduit à faire beaucoup d'entretiens, de groupes de travail etc., avec des Français modestes de toutes origines et - attention - je vous livre une information exclusive : les gens parlent d'immigration. Ils en parlent, ils s'en inquiètent. Au reste, ça n'est pas un hasard si la majorité des catégories populaires vote pour le parti le plus identifié sur cette question-là. Il faut accepter d'ouvrir le dossier. D'essayer de comprendre pourquoi c'est un sujet pour les plus modestes. Réponse d'une partie de la bourgeoisie : parce qu'ils sont racistes. Ah ! Ouf ! C'est simple, donc.   LIRE AUSSI >> A l'appui de cette lecture, les travaux de certains de vos confrères, comme Hervé Le Bras, disent que les électeurs du RN ne vivent pas dans les endroits où il y a le plus d'immigration. ..   Mais il va y avoir un sacré problème pour continuer de soutenir comme ça que la demande de maîtrise de l'immigration est du racisme : dans les quartiers dits sensibles, cette demande de régulation des flux est portée par des catégories populaires immigrées, notamment d'origine maghrébine, et même, plus largement, africaine. Ils sont racistes ? Et, on l'oublie, cette question est aussi centrale dans les Drom-COM. Cette réduction de la question migratoire à un fantasme identitaire de"petits blancs" (vous noterez au passage l'infini mépris de ce terme) est une arnaque qui empoisonne le débat public depuis des décennies. Dans mes entretiens de terrain, je note que la question est également portée par des"petits noirs", des"petits Arabes", des"petits juifs", etc. En vérité, le critère le plus important sur cette question, c'est le critère social : ai-je les moyens financiers pour"éviter" les problèmes liés à l'immigration dans un contexte multiculturalisme, c'est-à-dire où l'assimilation ne se fait plus et où chacun continue de vivre selon ses codes, ses moeurs, ses modes de vies, etc. L'"évitement", la bourgeoisie progressiste - qui continue de dire qu'il n'y a pas de problème d'immigration - connaît ça très bien : elle le pratique avec maestria ! Contournement de la carte scolaire, achat dans les immeubles où il n'y a que des propriétaires (et donc que des riches), déménagement dans un quartier plus sympa et mieux sectorisé s'il le faut... Ce sont les frontières invisibles du multiculturalisme. Mais quand on n'a pas les moyens de pratiquer soi-même cet évitement, on se tourne vers l'Etat. Dans les quartiers, il y a une forte demande de régalien !  C'est-à-dire ?   Eh bien tout simplement une demande que l'Etat régule. Qu'il régule les flux. Qu'il fasse une vraie politique de la ville. Qu'il mette en prison les"bandits". Cette demande-là, aujourd'hui, on l'entend très fort dans les catégories populaires immigrées, d'origine maghrébine et africaine en Seine-Saint-Denis notamment. Sauf qu'on ne le dit jamais. D'ailleurs, les travailleurs ordinaires de Seine-Saint-Denis ne sont jamais mis en avant. Ce qu'on aime montrer, plutôt, c'est la pleurniche.   Dans votre livre, vous n'épargnez pas les élites. Cependant, le dernier chapitre prend acte de ce qu'une partie d'entre elles - et notamment dans la classe dirigeante - est en train de changer sur ces questions-là...   La réalité est devenue trop évidente. Les gilets jaunes avaient d'ores et déjà signé la fin de la"France des invisibles" : il y a eu une sorte de prise de conscience forcée, une matérialisation de la"fracture sociale" que personne ne peut plus ignorer. Avec le Covid et la guerre en Ukraine, c'est la question de la souveraineté et de l'autonomie industrielle qui s'est imposée. Enfin, j'ajouterais que beaucoup ont désormais conscience que si l'on continue comme ça, on va vers l'implosion. Actuellement, on a encore ce que je nomme"les populistes cool", c'est-à-dire ceux qui jouent le jeu de la démocratie. Qui sait si demain on n'aura pas des"populistes hard" ? Sans parler du risque d'effondrement économique. Pour l'instant, on s'en sort avec la planche à billets, l'endettement, une espèce de cavalerie dingue, mais sur le fond, on ne va pas pouvoir continuer comme ça. De sorte que oui, dans l'élite, certains commencent à se dire qu'il y a un problème de modèle. Que c'est une question de choix. Que cette division internationale du travail - en laquelle au départ on a cru de bonne foi - n'est plus soutenable dans nos sociétés. Sinon on va droit dans le mur. Or je pense que personne ne veut aller dans le mur. Donc, on va changer.  En fait, vous êtes un optimiste ?   Oui, je pense que le pragmatisme n'est plus interdit. Ma conviction, c'est qu'il y a un mouvement réel de la société, une marche du monde. Je ne crois pas aux grands soirs, ni à un changement linéaire et régulier ; je crois aux coups de boutoir. Même quand ils se finissent en eau de boudin. Donald Trump a raté ; le Brexit n'est pas la panacée - sinon, Boris Johnson serait encore au pouvoir...Bien sûr que les populismes échouent et continueront d'échouer. Je ne vais pas critiquer l'idéologie et l'idéalisme pour en proposer un autre. Mais ils constituent des coups de butoir, qui font évoluer les autres politiques. Le Danemark est un bon exemple : c'est le royaume du politiquement correct. Et pourtant, les sociaux-démocrates s'y sont dit : non, on ne peut pas continuer comme ça. On risque l'implosion de la société, et l'implosion de ce qui est finalement notre ADN, c'est-à-dire l'Etat providence. Donc ils ont pris à leur charge et avec leur méthode - plus humaniste que l'extrême droite ! - la régulation de l'immigration. Nous vivons la fin du mot d'ordre thatchérien "there is no alternative". Si, il y a des alternatives. Et il faudra bien qu'on y aille.  Article publié dans l'édition du 13 octobre .
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